Des mentions ou des phrases qui auraient été perçues comme totalement sibyllines avant le début de l’épidémie sont aujourd’hui comprises par un vaste public. Notre vocabulaire s’est ainsi grandement enrichi au cours de ces deux années de crise sanitaire. Parler du sous-variant BA.2 du variant Omicron du coronavirus du Sars-CoV-2 n’est plus nécessairement hermétique, même pour les non-initiés.
Au-delà des questions de vocabulaire, le covid a aussi débouché sur des interrogations fondamentales sur le bien-fondé de la mondialisation poussée à l’extrême et sur un ensemble de fragilités de notre tissu économique et social.
Un nouveau vocabulaire
Au gré des vagues, nous avons pu nous familiariser avec de nouveaux termes. Tout en haut de la liste figure le ou la covid. Cette hésitation sur le genre est liée à l’origine anglaise de l’acronyme. Le nom vient en effet de coronavirus disease 2019. C’est ce terme de disease ou de maladie qui fait que dans un premier temps l’usage du féminin était recommandé. Le masculin est aujourd’hui la norme. Nous le savons, il s’agit d’une maladie infectieuse (et pour les plus savants, elle est de type zoonose causée par la souche de coronavirus SARS-CoV-2). Le nom même de coronavirus ne date pas de la crise sanitaire actuelle. Les premières mentions dans les journaux scientifiques remontent à 1968.
Le virus a touché en premier lieu les plus fragilisés d’entre nous: personnes âgées ou atteintes de plusieurs facteurs de comorbidité. Nous garderons longtemps à l’esprit les angoissantes images des malades victimes de complications médicales du virus. Ceux qui succombaient des syndromes de détresse respiratoire aigüe. Le covid long est aussi très pénalisant pour des personnes actives touchées dans leurs vies courantes, affaiblies par une extrême fatigue. N’oublions pas la détresse sociologique liée à l’isolement des séniors dans les EHPAD ou seuls chez eux, coupés du soutien de leurs proches aidants.
Parmi les symptômes initialement rapportés se trouvait la perte brutale de l’odorat et aussi celle du goût. Mais qui a retenu l’appellation scientifique d’anosmie et d’agueusie ?
Notre vocabulaire a gagné en finesse. Nous pouvons ainsi faire la distinction entre épidémie, pandémie et endémie. L’épidémie correspond à une infection de masse sur une période donnée. On parle donc de grippe saisonnière. Avec l’extension de l’épidémie à l’ensemble de la planète, nous connaissons une pandémie. Comme il semble que cette pandémie devrait persister dans le temps, nous pouvons dès lors parler d’endémie.
Monitoring des vagues
Avec plus de cinquante millions de téléchargements TousAntiCovid est sans aucun doute l’application la plus consultée en France au cours de ces deux dernières années. Nous disposons désormais d’un smiley masqué. Avec le pass-sanitaire transformé en pass-vaccinal, le QR code n’a plus de secrets pour une grande partie de la population. Les pourfendeurs des anglicismes ne semblent pas s’être offusqués de la perte du « e » sur les ex-précieux sésames. Les antivax donnèrent de la voix lors de la vaccination médiatique de Mauricette. Depuis lors, les réfractaires au vaccin semblent résignés face au tsunami vaccinal.
Au gré des vagues et des variants, nous avons acquis une certaine familiarisation avec l’alphabet grec. Au variant alpha a succédé le bêta, delta, epsilon et désormais omicron. Les puristes pourront se demander ce qu’il est advenu de gamma qui aurait normalement dû trouver sa place entre bêta et delta. Pour quelles raisons l’OMS a-t-elle sauté certaines lettres grecques ? Les explications fournies tiennent à la volonté de ne pas offenser divers groupes culturels, ethniques ou linguistiques. Ainsi, Xi aurait pu faire penser à une revanche prise sur les dirigeants du pays ayant identifié le premier foyer d’infection. Ne polémiquons pas sur l’origine exacte du virus. S’agit-il d’un accident de laboratoire ? Le malheureux (car très utilisé en médecine et cuisine chinoises) et timide pangolin que nous avons, pour beaucoup, découvert à cette occasion, a-t ’il été le vecteur de transmission à l’homme ?
Vaccination
Le vaccin est l’un des sujets qui a fait couler le plus d’encre. Oublié le débat sur le taux de vaccination qu’il faudrait atteindre pour obtenir l’immunité collective. 50, 60, 70 voire 80%. Irréaliste, car les experts pensaient que jamais nous n’atteindrions de tels pourcentages dans notre pays, à moins de rendre la vaccination obligatoire. Et pourtant, le rush sur les centres de vaccination a été massif. Plus de 80% de la population totale de notre pays a déjà reçu au moins une dose du vaccin. Ce sont près de 95% des plus de dix-huit ans qui sont couverts. Que grâce soit rendue à la scientifique hongroise, désormais américaine, Katalin Karikó, à l’origine de cette exceptionnelle percée médicale.
Le débat sur l’ARN Messager est aujourd’hui largement tranché. Il n’est pas certain que le plus grand nombre soit en mesure de développer le sigle. En revanche, l’acide ribonucléique est plébiscité par tous ou presque. Au plus fort de la campagne de vaccination, le vaccin Pfeizer ou à défaut son cousin le Moderna, représentait le Graal convoité par tout un chacun. A l’opposé, les vaccins AstraZeneca et Janssen qui étaient largement boudés. Ces derniers reposent sur la technique du « vecteur viral non répliquant » à base d’adénovirus, ainsi que doctement indiqué sur le site www.gouvernement.fr. Il y avait dès lors les chanceux et les autres. Malgré quelques voix chagrines, les vaccinés par l’ARN Messager se sentaient privilégiés face à ceux qui avaient reçu le vaccin classique.
Ro
Nombreux sont ceux qui désormais savent que le vaccin n’a pas d’impact direct sur le Ro. Il permet d’éviter la plupart des formes graves de la maladie. Le Ro qui est suivi comme du lait sur le feu par beaucoup de nos concitoyens sur le site TousAntiCovid est un indicateur clair. Il mesure le nombre de personnes qu’un porteur du virus va pouvoir contaminer. Si le R effectif est supérieur à un, l’épidémie progresse. Si ce chiffre est inférieur à un, l’épidémie régresse. Simple, plus en tous les cas que l’analyse peu ragoutante des eaux usées.
Etrange de constater qu’au cours de ces deux années les certitudes d’un jour, ne le sont plus le lendemain. L’ARN Messager allait modifier le patrimoine génétique. Pour le professeur Christian Perronne, les personnes vaccinées étaient potentiellement plus à risque que les autres. Avec le professeur Raoult, il pensait alors que le salut se trouvait dans l’utilisation de l’hydroxychloroquine. La croyance a fait long feu.
Les enfants n’étant pas à risque, autant garder les écoles ouvertes. Comme après nombre de débats, ils sont reconnus comme un vecteur actif de la maladie. Il faut leur imposer le masque dès l’école primaire. En revanche, l’air dans l’avion étant renouvelé continuellement, il n’y a pas de risque de contamination. Il convient cependant de garder le masque en permanence à bord. Contrairement aux théâtres, aux cinémas ou aux boites de nuit. Il faut bien apprendre à vivre avec le virus. Cela au prix de nombreuses incohérences et de grandes différences entre pays voisins.
Prise de conscience
Au-delà de l’enrichissement de notre lexique, c’est la prise de conscience des failles de la globalisation poussée à l’extrême qu’il convient de saluer. De l’absence de masques, aux manques de produits anesthésiants, en passant par la pénurie de médicaments de base, la délocalisation de la production a montré ses limites. La mondialisation de l’économie se trouve sérieusement remise en question. Il s’agit du stade ultime de la spécialisation des nations, en vertu de l’optimisation de la production sur la base de l’avantage compétitif.
Abandonner des pans entiers de l’appareil productif sur des critères purement économiques ne conduit pas à l’optimum sociétal. N’en déplaise aux économistes Smith, Ricardo et Samuelson. Dépendre exclusivement de producteurs étrangers peut rapidement se traduire par de graves dysfonctionnements de l’économie nationale liée à des problèmes d’approvisionnement. Peut-on sans risque n’avoir que la Chine, usine du monde, pour fournisseur ? Une voie maritime bloquée (canal de Suez), de graves tensions géopolitiques (guerre en Ukraine et sanctions contre la Russie) et le système tout entier peut se trouver profondément impacté.
Relocalisation
Des voix se font entendre pour relocaliser les produits les plus sensibles. Au premier rang figure la production sur le territoire national des molécules d’intérêt thérapeutique majeur. Mais quand l’huile de tournesol vient à manquer (80% de la production mondiale se trouve situés en Ukraine et en Russie), l’industrie de la frite fait grise mine.
Le bilan carbone de la délocalisation doit aussi être pris en compte. A l’heure des politiques RSE, des choix verts, de la décarbonisation de la planète et de la lutte contre le réchauffement climatique, les générations montantes intégreront le bilan écologique dans leurs choix de consommation. Une main-d’œuvre bon marché et travaillant dans de mauvaises conditions sera sanctionnée par un mauvais bilan éthique. Au même titre que le bilan social et écologique, les pratiques de bonne gouvernance éthique entreront dans les critères de choix. Elles pourraient se traduire par un bonus ou un malus économique. Ce qui aura pour effet de rétablir un équilibre entre l’ensemble des composants entrant dans le champ de la production des biens et services.
Solidarité
Il nous faudra encore analyser et tirer les conséquences des profondes mutations qui devraient marquer durablement le nouvel ordre mondial. Un difficile équilibre devra être trouvé entre autonomie, souveraineté nationale, indépendance et solidarité internationale, soutien aux populations les plus gravement touchées par la crise sanitaire. Nous ne devrons pas non plus oublier nos séniors, isolés dans leurs EHPAD ou coupés chez eux de tous contacts sociaux.
Gardons à l’esprit que les goulots d’étranglement perturbants l’approvisionnement de ressources de tous ordres peuvent rapidement avoir de lourdes conséquences. Nous pourrions être confrontés à des famines, de graves déséquilibres des économies les plus fragiles. Ainsi qu’à de profonds troubles politiques et sociaux.
Après plus de deux années de pandémie, nous pouvons donc indiquer, sans crainte d’incompréhension, que dans les formes les plus sévères de la covid-19, une protéine codée par un rétrovirus endogène humain est réactivée par le SARS-CoV-2 ! Ce virus désormais endémique a déjà causé la mort de plus de six millions de personnes. Un chiffre certainement grandement sous-estimé. Touchant l’ensemble de la planète, les pays occidentaux ont pu massivement vacciner et protéger leurs populations. Mais de grandes disparités existent entre les différentes zones géographiques.
Marc SEVESTRE