Au mois de mars dernier, au moment de l’annonce du confinement, nous pronostiquions que la baisse du PIB en France pourrait s’établir à 10%. Cette chute sans précédent devant s’accompagner de la disparition d’un million d’emplois. Quelle boite de Pandore avions-nous ouverte, quel Rubicon avions-nous franchi ? De toutes parts, nous étions taxés d’inutilement alarmistes et de coupables pessimistes. A la lumière de deux trimestres pendant lesquels il nous a bien fallu apprendre à vivre avec le virus de la Covid-19 quelle est la réalité de la situation ? A partir de la situation actuelle quelles anticipations pouvons-nous établir pour les prochains mois ?
Un lent retour à la normale
Disons-le d’emblée, le retour à une situation économique normale sera long. Il ne s’agit pas du résultat de calculs complexes ou de savantes projections. En prenant le plus de recul possible, cherchons à anticiper l’impact économique de ce que nous vivons tous au jour le jour. A partir des données relayées par les médias, essayons de nous faire une idée « middle of the road », c’est-à-dire une approche crédible de ce qu’une analyse empirique nous permet d’anticiper.
La Banque de France prévoit un retour début 2022 au niveau d’activité de la fin de l’année 2019. Nous pensons que le chemin du retour sera beaucoup plus ardu. Les prévisionnistes ont ainsi rejoint notre anticipation d’une baisse de 10% du PIB. Elle reste plus importante que pour la plupart de nos voisins et des membres du G7. Le fort rebond attendu en 2021 (plus de 5% ; 8% même pour notre gouvernement) nous semble exagéré.
Certes, les plans de relance sont massifs et la baisse des impôts de production sera bénéfique à la croissance. Cependant, quand l’effet des différentes mesures d’urgence de soutien à l’économie s’estompera, la réalité rattrapera durement de nombreuses entreprises fragilisées par la crise sanitaire. Le recours au chômage partiel, les prêts garantis par l’Etat (PGE) et les reports de charges ont permis de fortement limiter la casse, de laisser passer la tempête. Les avaries sont nombreuses, la mer reste très agitée, la tempête peut encore frapper à tout moment.
Nous anticipons que le rebond de la consommation observé pendant l’été sera de courte durée. Il peut s’expliquer par la nécessité d’effectuer diverses dépenses de rattrapage, gelées pendant la période de confinement. Les ménages ont aussi consacré une partie de leurs épargnes forcées pour se faire plaisir après les longues semaines de rigueur subies pendant la période de confinement.
Des secteurs en grande difficulté
Nous le vivons au fil de l’actualité. Les annulations d’évènements publics, professionnels et privés se font à grande échelle. Foires, salons, concerts, spectacles de toutes natures, rassemblements sportifs sont annulés les uns après les autres. Non seulement pour le reste de l’année, mais déjà pour une bonne partie de l’année 2021. Des pans entiers de l’industrie sont dans une situation délicate. Quelques exemples d’une longue liste : l’automobile, les chantiers navals ou la filière aéronautique. Les entreprises en situation de trésorerie tendue gèlent de nombreux investissements non indispensables.
Le transport aérien et le tourisme d’affaires ou de loisir sont dans une situation critique. Les déplacements hors zone euro sont quasiment à l’arrêt. Il faudra des années pour que les compagnies aériennes et les plateformes aéroportuaires reviennent à l’équilibre. Le transport maritime, l’évènementiel, le secteur de l’habillement sont confrontés à une baisse d’activité sans précédent.
Comment équilibrer un compte d’exploitation quand la jauge est bloquée à 60 ou 50% de la capacité ? Si certains secteurs profitent de la période actuelle (e-commerce, alimentation de proximité, informatique, bricolage et jardinerie), cela sera largement insuffisant pour compenser la baisse d’activité massive à laquelle se trouvent confrontés de très nombreux secteurs. Adapter l’outil de production n’est pas une tâche aisée, encore moins dans les pays notoirement rigides comme le nôtre. Si les fabricants de masques peuvent envisager l’avenir avec optimisme, qu’en est-il des fabricants de rouges à lèvres ?
Défaillances d’entreprises
La longueur de la crise pandémique est telle que l’asphyxie gagne de nombreuses structures (petites, mais aussi des groupes plus importants que l’on imaginait plus résilients). Les cessations d’activité devraient être très importantes dans les prochains mois. Chaque jour apporte son lot de fermetures d’entreprises et de plans de licenciements. Nous pensons que le chiffre de 25% de défaillance en plus par rapport à l’année 2019 – qui aura enregistré 52 000 disparitions d’entreprises – est très largement sous-estimé. Si, in fine, nous assistions à un doublement de ces prévisions (50% de défaillances en plus), nous n’en serions que peu surpris. Certains prédisent même un doublement des faillites en 2020 (plus 50 000) et plus encore en 2021.
Le nombre d’entreprises en cessation de paiement a été artificiellement contenu à un niveau très bas pour la première partie de l’année. Des entités très fragiles ont pu éviter la cessation de paiement grâce aux mesures d’urgence prises par l’Etat. Nombreux seront les acteurs qui ne pourront pas survivre une fois l’assistance étatique interrompue.
Destruction massive d’emplois
La destruction d’emplois devrait donc être massive au cours des douze prochains mois. La croissance ne sera pas suffisante pour compenser la disparition des postes.
Il est désormais évoqué la disparition de 800 000 emplois. Au regard des défaillances attendues d’entreprises, nous pensons que la crise sanitaire devrait se traduire par la suppression de plus d’un million de postes. De très nombreux responsables d’entreprises ont mené un combat acharné pour maintenir en vie leurs sociétés et garder leurs salariés. Cela est vrai surtout pour les petites structures. Avec la fin des PGE et le délai de quarante-cinq jours passé pour la déclaration de cessation de paiement, nous nous attendons à ce que le nombre de faillites d’entreprises s’accélère au cours du second semestre.
Nous l’avons noté, juillet et août se sont traduits par un bon niveau de consommation. Cependant, face aux incertitudes économiques de tous ordres, l’épargne de précaution atteint des niveaux inégalés. Elle est ainsi passée de 15% du revenu disponible à fin 2019 à 20% en juin 2020. C’est autant de moins d’argent qui est consacré à la production, donc à la relance de l’économie (et à celle des grands fournisseurs de notre pays) et à la reprise de l’emploi.
Des places financières résilientes
Dans ce sombre tableau, nous observons avec une certaine incrédulité le rebond très rapide des grandes places financières. Au plus fort de la chute boursière nous :
- Pensions que les grands indices repartiraient à la hausse
- Pronostiquions un retour du CAC 40 à 5 000 points avant la fin de l’année
- N’avions pas anticipé que le rebond puisse être aussi rapide
- N’envisagions pas que ce seuil serait dépassé avant même la pause estivale
Avouons-le, nous restons stupéfaits de voir certains indices atteindre des niveaux records alors même que nous sommes plongés en pleine crise sanitaire, sans visibilité sur la mise sur le marché d’un vaccin.
Le multiple de valorisation (P/E) de nombreuses sociétés se trouve à des niveaux qui peuvent passer pour irraisonnables. La valorisation des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) donne le vertige. Avec 2 000 milliards de dollars de capitalisation, chacune de ces sociétés a une valeur supérieure au PIB de grandes économies. Apple à elle seule vaut plus que l’ensemble des sociétés du CAC 40 !
Une meilleure prise en charge des malades
Une autre grande lueur d’espoir nous réjouit. Gardons-nous cependant de la moindre prévision en la matière, car nous ne revendiquons ni expertise ni information particulière. Il s’agit de l’éloignement du spectre du confinement. Nous l’avions évoqué par ailleurs et tremblions à cette perspective. Il semble à peu près certain que sauf flambée épidémique catastrophique, la logique économique l’emportera sur la logique sanitaire. Nous devrions ainsi échapper à une nouvelle épreuve de confinement strict.
Dans ce cadre, nous craignions une forte augmentation du nombre de victimes et nous redoutions un doublement par rapport aux 30 000 victimes de la fin juin. Fort heureusement, il semblerait que la meilleure connaissance du virus a permis la mise au point de protocoles plus efficaces, réduisant le nombre de malades entrant en réanimation et, partant, réduisant le taux de mortalité. Formons donc l’espoir que le facteur de réduction de la mortalité croisse plus rapidement que le pourcentage d’augmentation des cas positifs. Il importe que le taux de mortalité baisse très rapidement lorsque, comme cela est le cas, la propagation du virus se diffuse très largement au sein de la population. Faute de quoi, nous aurions un emballement du nombre de décès.
Il serait difficile dans ce cadre, surtout si d’autres suivent une telle voie, de ne pas revenir à des mesures drastiques. N’imaginons pas à ce stade une telle situation. De grave actuellement, nous entrerions dans une crise aux conséquences catastrophiques, tant économiquement que socialement.
Apprendre à vivre avec le virus
C’est donc une vision pessimiste que nous formulons pour le court et le moyen terme. Clairement en décalage avec la note d’optimisme exprimée à la rentrée par nombre de responsables d’entreprises et relayée par les notes de l’INSEE. L’intuition contre la data. Nous ressentons trop d’incertitudes. Nous pensons que le regain d’optimisme ne résistera pas à l’épreuve de la reprise pandémique.
Un jour, que nous espérons le plus proche possible, la crise sera derrière nous. Nous renouerons avec la croissance et l’avenir nous paraitra à nouveau souriant. En plein cœur de la pandémie de la grippe espagnole des années 1918 – 1919, qui s’est traduite par 50 à 100 millions de victimes, l’opinion publique encore confrontée à la guerre devait aussi avoir une vision morose de l’avenir.
Ne nous voilons pas la face. Notre vie demeurera compliquée sur tous les plans pendant encore une longue période. Qu’il s’agisse du point de vue personnel, familial, social ou professionnel, notre quotidien restera profondément impacté par la crise sanitaire. Le virus sera présent et influencera grandement notre quotidien pour encore de très nombreux mois. Nos gouvernants continueront à souffler le chaud et le froid. Poussé en cela par la recherche d’un délicat équilibre entre contraintes économiques et contraintes sanitaires.
Nous devons accepter de vivre avec une épée de Damoclès suspendue au-dessus de nos têtes, engendrant une forte période d’instabilité. Il nous faut avancer avec un grand manque de visibilité, planifier face à de fortes incertitudes. Ce ne sont à l’évidence pas des conditions favorables à une rapide et forte croissance. Cela conforte notre sentiment que la période à venir restera anxiogène. Dès lors, le chemin de la reprise économique sera lent, délicat et tortueux.
Pourquoi cet article ?
Certains se demanderont en quoi un tel sujet trouve sa place sur le site de JeSuisBienAssuré. Nous allons devoir apprendre à vivre dans la durée avec la crise sanitaire. Les personnes les plus à risque sont nos ainés et toutes celles à la santé fragile. Dès lors, la meilleure attitude à adopter est l’anticipation. Comme le dit l’adage, « si tu veux la paix, prépare la guerre ». Il s’agit donc de la raison pour laquelle l’offre « Assistance Aidant Familial » représente le meilleur des gestes barrières pour les onze millions de proches aidants qui peuvent soudainement se trouver dans l’incapacité d’intervenir auprès de leurs aidés.
Pour ne surtout pas exposer mes proches fragilisés si je suis moi-même atteint du Covid-19, il devient ainsi critique de pouvoir me faire remplacer par un aidant professionnel auprès de mon aidé. Lorsque je serai rétabli, je reprendrai naturellement ma place auprès de mon proche, qui pendant mon absence sera resté dans le cadre rassurant de son cadre de vie familier.
Marc SEVESTRE