Gestes barrières, distanciation sociale, autorisation de déplacement, couvre-feu, confinement. La crise sanitaire se traduit par de nombreuses entraves à notre liberté. Une valeur inscrite dans nos cœurs, comme rappelée dans le refrain de l’hymne national : « Liberté ! Liberté chérie ». Imaginons vivre depuis le mois de mars dernier dans un monde qui ne connaitrait pas la digitalisation et qui ne serait pas hautement numérique. Pour la très grande majorité d’entre nous, la vie au quotidien serait nettement plus difficile, notre situation plus pénible. Alors, prenons un peu de hauteur et relativisons les nombreuses critiques faites à l’internet, aux réseaux sociaux, aux GAFAM et autres BATX (1). Sans la digitalisation de l’économie, le bilan humain et économique de la pandémie aurait été bien plus désastreux. Il semble possible d’affirmer que la digitalisation de la société est bien le plus efficace des gestes barrières.
Interactions virtuelles
Pour ceux qui souhaiteraient se protéger du virus de la Covid-19 en réduisant leurs interactions avec le monde extérieur, c’est une vraie chance de vivre à l’heure de l’ère numérique. Avec le XXIe siècle s’est ouvert l’avènement des relations digitales.
Ainsi que le notait Aristote, « l’homme est un animal social ». L’être humain n’est pas un loup solitaire et il ne veut pas vivre (pour la plupart) dans l’isolation, loin de la société des hommes. Notre relation aux interactions virtuelles dans leurs versions numériques (le téléphone est aussi un outil de distanciation sociale) est un phénomène récent. C’est pourquoi ces contacts à distance ne se substituent pas toujours harmonieusement aux relations en « présentiel ». Nombre d’experts expliquent par la dématérialisation de nos contacts l’état mental dégradé d’un grand nombre d’entre nous. C’est ainsi qu’un télétravailleur sur deux serait en souffrance psychologique.
Cependant, pour ceux qui souhaiteraient momentanément prendre de la distance (2), le numérique apporte une solution complète ou presque. Il est ainsi possible de s’isoler du monde tout en profitant de l’essentiel des biens et services issus de notre société de consommation.
Village planétaire
Plus que jamais, l’expression inventée en 1967 par Marshall McLuhan (3), le monde est un village planétaire ou un village global (global village), prend toute sa justification. Utilisée pour décrire la capacité à récupérer des informations très rapidement et en tous points de la planète, cette expression est chaque jour plus pertinente. Elle s’applique parfaitement au monde de l’internet et du e-commerce.
Nous habitons un village planétaire global. Ce village compte plus de deux milliards d’habitants, les internautes. Ils ont à leur disposition un nombre de « boutiques » estimé entre 12 et 24 millions.
En 2040, il se pourrait que le commerce en ligne représente 95% du total des achats (4) (contre 14.1% des ventes de détails en 2019, mais déjà plus d’un tiers pour la Chine). Même si un pourcentage aussi important pour les sites marchands peut sembler exagéré, il donne néanmoins une idée de l’ampleur du phénomène et de son accélération. La croissance du e-commerce devrait être de 20% pour l’année 2020 par rapport à l’année précédente.
Quelle sera alors l’attractivité de nos centres-villes dans quelques années, et ce quel que soit la taille de la municipalité ? Il suffit de regarder autour de nous le nombre de pas-de-porte laissé vacant pour s’en convaincre.
Le monde à portée de clic
Basique, exceptionnel, frais, préparés, local, exotique, diététique, végan, religieux. Quelques mots clés, quelques filtres et le plus grand marché du monde défile sous vos yeux. Les circuits (courts) se sont beaucoup développés au cours de ces dernières années et tous les produits, aussi fragiles soient-ils, deviennent aisément disponibles. Du poisson le plus frais, au fromage fait à cœur, ou des légumes juste cueillis ; tout est désormais possible.
Luxueux ou des plus ordinaires, tous les biens, objets, vêtements se trouvent sur internet. En pastichant le slogan d’une grande enseigne (5) (née à la fin du XIXe siècle, époque qui vit la naissance des grands magasins (6) ), c’est sur internet que l’on trouve tout.
Les fêtes de fin d’année, avec la chasse aux cadeaux, peuvent être vécues comme une période redoutée. Comment dénicher la perle rare ? Au casse-tête du présent à trouver, la réponse bien souvent est de partir à l’aventure et de se laisser guider par les offres des différents magasins. Avec la crise sanitaire s’ajoutent les craintes de contamination en présence de foules compactes dans les zones commerciales. L’internet devient ainsi une heureuse alternative qui permet de plus facilement viser juste et d’éviter les contacts rapprochés. Qu’offrir à une vieille dame âgée, comment surprendre l’éternel insatisfait, que choisir pour quelqu’un qui a tout ? Quelques mots clés et l’on est rapidement surpris par l’étendu des possibles.
L’agrément du home-shopping
A ceux qui objecteront que rien ne remplace l’expérience en magasin, rappelons la longue histoire de la VPC, de la vente par catalogue.
Le home shopping n’est pas né avec l’internet. Nous sommes depuis longtemps familiers des commandes par courriers ou téléphones des produits sélectionnés sur un catalogue. Les 3 Suisses, La Redoute se sont lancés entre les deux guerres. Aux Etats-Unis, Sears disposait déjà d’un catalogue avant le début du XXesiècle.
Pouvoir choisir dans le confort de son domicile et ne pas se mélanger à la foule présente de nombreux avantages. Après la crise sanitaire, un grand nombre de nouveaux acheteurs en ligne devraient avoir pris goût à ne plus devoir se déplacer pour effectuer leurs courses. Il est appréciable de ne plus rentrer épuisé par les expéditions shopping, les bras cassés par le poids de cabas surchargés. Comparer tranquillement les offres, suivre les conseils des internautes peut éviter de tomber dans les pièges commerciaux. Ceux tendus par des vendeurs souvent plus motivés par leurs propres objectifs que par l’intérêt de leurs clients.Avec le « click to call » il est souvent plus facile d’avoir un « tchat » immédiat avec un interlocuteur soucieux de vous satisfaire (et inquiet de la note de satisfaction qui lui sera attribuée) que de trouver un vendeur disponible dans une enseigne physique.
85% des cyberacheteurs font une recherche avant de passer à l’acte d’achat. Est-ce la fin du coup de cœur, de l’achat d’impulsion ? Ou assistons-nous à l’émergence d’un nouveau comportement : après avoir craqué, pour rationaliser sa démarche, il suffit d’effectuer une petite vérification pour s’assurer qu’il y a d’autres acheteurs satisfaits. Nous pourrons au passage valider que le prix pratiqué est dans le marché.
Une incroyable logistique
La rapidité des livraisons est souvent surprenante. Pouvoir commander un panier complet en ligne, et le recevoir en quelques heures, sept jours sur sept, sur un créneau précis, représente un atout de poids.
Des logiciels d’intelligence artificielle, sur la base d’expériences accumulées, déclenchent l’acheminement de produits des centres régionaux vers des entrepôts de proximités avant même qu’ils ne soient commandés, afin de pouvoir livrer au plus vite.
Demain, le drone de livraison déposera les achats devant la porte des lieux les plus reculés. Des casiers connectés équiperont le hall des immeubles (avertissant le destinataire de la livraison et facilitant le retour des commandes refusées).
Des offres personnalisées
Pour certains, recevoir des recommandations pour un prochain achat en s’appuyant sur l’historique des commandes est vécu comme une intrusion dans leurs vies privées. Beaucoup cependant considèrent cela comme un service appréciable. Pour ces derniers, cela fait partie de l’expérience client et contribue à renforcer la relation de fidélité qu’ils entretiennent avec les marques. Laisser des algorithmes sélectionner les offres les plus adaptées sur la base de l’expérience passée de chacun peut sembler plus pertinent que les recommandations biaisées, ou du moins subjectives, des commerçants.
Une fois achevés la lecture d’un livre, ou le visionnage d’une série ou d’un film particulièrement apprécié, il peut être agréable de recevoir des suggestions dans la droite ligne de ses goûts. Compte tenu de l’immensité des choix, se voir proposer une sélection découlant de ses propres habitudes de consommation passée et de celles de personnes partageant les mêmes intérêts peut se révéler comme une aide précieuse. Cela peut réduire les chances de se tromper. Pourquoi ne pas vouloir éviter de perdre du temps en démarrant un programme, avant de se rendre compte qu’il ne correspond pas à nos goûts ou à nos attentes ?
Des limites sans cesse reculées
Oui, mais pour acheter des produits sur mesure le digital n’est pas adapté. Avec la numérisation, tout est possible. Un exemple parmi de nombreux autres. Pour acquérir des oreillettes téléphoniques adaptées à sa morphologie, il suffit de transmettre un fichier contenant le scan de ses deux oreilles, effectué à partir de l’appareil photo d’un smartphone.
Le commerce en ligne se révèle être une expérience chaque jour plus proche des sensations éprouvées dans le monde réel. Avec des lunettes 3D ou un écran de téléphone, la réalité augmentée permet de mettre un bien convoité en situation, de vérifier la pertinence de la couleur. Ce canapé est-il de la bonne dimension pour la pièce ? L’incrustation d’une image de synthèse du meuble projeté dans son environnement permet de le voir en situation.
Demain un hologramme, un avatar ou un moi digital, permettra de visualiser l’effet sur soi d’un vêtement avant son achat. Une cabine d’essayage virtuel peut se révéler plus confortable que l’essayage en magasin. Il sera possible de se rendre compte sous toutes les coutures de son apparence avec le vêtement convoité avant de l’acheter. Et s’il faut une retouche, elle sera faite avant de recevoir le produit. Le touché virtuel sera bientôt à portée non pas de main, mais de PC ! Les sensations tactiles peuvent être procurées par des manettes à retour de force ou des gants à retour haptique.
Services
Bien entendu, il n’est pas réaliste de penser pouvoir s’affranchir totalement des interactions physiques. De nombreux services à la personne continueront de demander un contact en « présentiel » et non en « distanciel », pour utiliser le vocable au goût du jour. Peut-on envisager de ne plus recourir à son coiffeur ou à son esthéticienne pour prendre soin de son apparence ? Quoique… Qui pensait, il y a peu, qu’une cabine de téléconsultation permettrait d’effectuer une visite médicale complète sans la présence physique d’un médecin ? Il est vrai que le confinement a fortement contribué à populariser la consultation en vidéo.
Les robots médicaux permettent déjà des opérations complexes à distance. Pourquoi pas des hubs médicaux de proximité, qui s’ils ne suppriment pas toute présence physique, permettent d’échapper aux grands centres hospitaliers ?
Au Japon, des robots humanoïdes (7) pallient le manque de personnel dans les résidences pour séniors. Ce sont à la fois des compagnons et des auxiliaires de vie qui prennent soin des résidents.
La domotique, l’IOT (Internet Of Things, donc les objets connectés), la 5G contribuent à l’avènement de la « smart home » pour tous. En premier lieu pour les séniors qui souhaitent finir leurs vies dans le cadre de leurs domiciles.
Les limites du possible reculent chaque jour. « Sky is the limit », la seule contrainte est celle de l’imagination. Selon la loi de Moore, la puissance de nos ordinateurs double tous les dix-huit mois. Ainsi donc, ce qui semble encore aujourd’hui du domaine de la fiction sera demain une offre des plus banales (8).
En téléprésence, tu seras
Travail, enseignements, formation, tout se passe désormais en « distanciel ». Le « présentiel » devient l’exception. Dans le « nouveau normal » de demain de nombreux salariés voudront poursuivre une partie de leurs activités sans avoir à se rendre physiquement dans leurs entreprises. Un grand nombre de salariés ont certes dû exercer leurs activités au sein de leurs entreprises, car leurs métiers ne s’y prêtaient pas. Nous nous empressons d’ajouter « encore ».
Avec le progrès technologique, de plus en plus de fonctions pourront s’exercer à distance ou auront disparu. Quelques exemples : caissier(e)s, chauffeurs (voir pilotes ou marins), professions médicales, aides à la personne, téléopérateurs, acteurs … La liste des postes menacées est bien longue. Certains analystes se demandent si cette révolution technologique ne débouchera pas sur une société dans laquelle le nombre d’emplois détruits dépasserait largement ceux créés. Droit au travail, plein-emploi et partage de la richesse devraient alors être repensés.
Un salarié sur deux déclare avoir connu une dégradation de sa santé mentale depuis le début de la crise sanitaire (9). Les journées peuvent être longues, répétitives, stressantes, épuisantes lorsque les téléconférences s’enchainent, sans même un instant de détente à la machine à café de l’entreprise. En quelques mois, nous avons appris à nous rencontrer sur Zoom, Livestorm, Google Meet, Slack, Skype, Microsoft Teams, Facetime et de nombreuses autres applications.
Vient le temps de la récréation
Avec la satisfaction du travail accompli, les enfants à jour dans leurs programmes, les achats liés aux besoins essentiels effectués, nous pouvons enfin nous consacrer à nos loisirs.
Nul besoin de se mettre face à la petite lucarne (toujours plus grande) pour visionner son programme préféré. Pour revivre la célèbre réplique du bossu « Et si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère ira à toi », les voies d’accès aux loisirs numériques sont nombreuses. À tous moments et en tous lieux, un smartphone, une tablette, un ordinateur ouvrent les portes d’un multiplexe virtuel dont le nombre de salles dépasse l’entendement.
Un spectacle retient votre attention, un nouveau film vous tente. Il est vraiment dommage que les lieux culturels soient fermés. Mais, avec la crise sanitaire, de nouvelles habitudes voient rapidement le jour. La programmation de films en exclusivités ou de spectacles vivants s’affranchit des circuits traditionnels. Des blockbusters sortent désormais directement sur les plateformes audiovisuelles (VOD) sans passer par la diffusion en salles obscures. Les plus grands artistes s’invitent directement chez vous pour leurs nouveaux spectacles en « live ».
Les outils immersifs (lunettes 3D, capteurs et vibreurs de toutes sortes), comme pour les achats en ligne, nous plongent de plus en plus au cœur de l’action, rendant hautement sensorielles les expériences virtuelles. Le fossé qui les sépare des émotions ressenties dans une salle de spectacle devient de plus en plus ténu.
Amitiés virtuelles
Tout mettre en œuvre pour protéger nos proches en les isolant dans une bulle étanche peut avoir de lourdes conséquences psychiques. Lors du premier confinement, nos ainés ont beaucoup souffert de leurs mises à l’écart. Afin de rompre avec un tel isolement, un dispositif efficace a été mis en place au sein des structures d’accueil pour personnes âgées. Les ainés adoptent les codes de leurs enfants et petits-enfants qui se réunissent autour d’un apéritif virtuel. Les séniors ont rapidement découvert les joies (et les limites) des visioconférences.
De nombreuses familles se sont trouvées confrontées à un cruel dilemme lors des fêtes de fin d’année. Faut-il vraiment risquer de contaminer des personnes âgées et pour certaines leur imposer une semaine d’isolement pour quelques heures passées ensemble ? Choisir un rapprochement virtuel en attendant le retour des jours apaisés représente une alternative grandement facilitée par le recours aux réunions familiales à distance.
Disposer de garde-fous efficaces
Le monde de l’internet n’est pas sans problème. La liste des dérives est longue. L’un des dangers souvent mis en avant pour les transactions en ligne est le risque de vol de données des moyens de paiement ou de l’identité des internautes. Des commandes passées auprès de sites non scrupuleux ne sont jamais honorées, le SAV inexistant. De nombreux produits, principalement achetés sur des sites étrangers, ne répondent pas aux normes réglementaires. Pire encore il peut s’agir de produits ou de services illicites dont la consommation peut entrainer des poursuites juridiques.
La législation évolue rapidement, mais cela n’est pas toujours suffisant face à la créativité des margoulins du net. La Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL), la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) sont quelques-uns des garde-fous érigés afin d’assurer la protection et la police du Net.
Plus encore que pour le commerce physique, l’avis des internautes sur les réseaux sociaux, l’e-réputation, les sites de vérification contribuent, pour partie, à réguler le secteur. Différents labels et certificats de qualité existent. Poster un avis et se faire entendre est facile. Il n’est qu’à voir l’insistance avec laquelle de nombreux marchands vous demandent de partager votre expérience sur leurs sites.
Qui n’est pas encore dans l’attente d’une réponse à une réclamation déposée en magasin ? Les enseignes sérieuses traitent rapidement et avec précision les commentaires postés par leurs clients numériques.
Les GAFAM pointées du doigt
S’il est aisé de créer sa petite boutique en ligne, comme dans le monde physique, gagner sa place au soleil, à côté des grands sites, demande une grande pugnacité. Référencement, gestion des blogs et politique de communication au travers des « influencers » s’appuient sur des talents pointus.
Nous entendons beaucoup de critiques formulées à l’encontre des GAFAM (ou BATX, l’équivalent chinois). Pointé du doigt pendant les périodes de confinement, le site de vente Amazon (10) est accusé de tous les maux. Cette société serait responsable de la disparition du commerce de proximité (le « shop around the corner », cher à Lubitsch). Elle engendre une destruction nette d’emplois. Les postes créés sont qualifiés de pénibles. Nous assisterions à l’émergence d’un néo-lumpen prolétariat (en empruntant une rhétorique chère à Marx et Engels), représenté par les « pickers ». Elle est vilipendée pour pratiquer massivement l’évasion (ou plus pragmatiquement l’optimisation) fiscale avec le transfert des profits vers les pays à fiscalité favorable.
Pire encore, les grands acteurs de la nouvelle technologie sont accusés de créer une société dystopique. La capture de données, les assistants vocaux, les programmes d’intelligence artificielle sont considérés comme des outils de surveillance de masse.
Orwell et ses successeurs
Les fake news renforcent la peur de se retrouver dans un monde proche de celui décrit par George Orwell dans son roman « 1984 ».
La privation de liberté individuelle pourrait avoir contribué à la popularité de la série « La servante écarlate » tirée du célèbre roman de Margaret Atwood. Peut-on encore parler de dystopie avec la série du réalisateur espagnol Daniel Ecija « De l’autre côté » ? Nous sommes projetés dans un futur proche dans lequel un virus, apparu après une guerre mondiale, décime la population. A l’exception des dirigeants, les habitants sont contraints au couvre-feu, aux gestes barrières, aux restrictions de déplacements, au décompte de nouveaux cas, à la mise en quarantaine des clusters de contamination et à un étroit contrôle policier. Un avertissement comme « Toute ressemblance avec des situations existantes… » pourrait sembler superfétatoire. Prémonition, car le tournage remonte au mois de février 2019.
Le point commun entre ces trois séries est une vision apocalyptique d’une humanité privée de liberté.
Sans oublier Lavoisier et Darwin
Comme rappelé par le chimiste Antoine Lavoisier, « Rien ne se perd, rien ne crée, tout se transforme ». L’e-commerce n’est qu’une nouvelle forme des échanges nécessaires à la subsistance. Elle succède à l’autoconsommation tribale avec quelques étapes intermédiaires. Troc, échoppes, foires, guildes et marchés, grands magasins, centres commerciaux représentent des étapes de l’évolution darwiniste des modes d’échanges.
Le progrès technique se traduit nécessairement par des gagnants et des perdants. Pour survivre, il faut savoir progresser avec son temps. Peugeot n’est pas resté figé à la fabrication de moulins à café et autres produits dérivés de l’acier de ses origines au XIXe siècle. Sans cela, tout comme les constructeurs de diligences, le groupe aurait disparu. Le capitalisme est un monde darwinien. Ce qui se retrouve dans l’une des notions de base de l’économie, le cycle de vie de l’entreprise. Seules les plus agiles survivent.
Le nouveau normal
La crise sanitaire qui nous conduit au monde d’après, au nouveau normal, contribue à la diffusion accélérée du digital dans l’ensemble de nos domaines d’activité. Qu’il s’agisse de la consommation de biens ou de services, de nos loisirs ou de nos interactions sociales, le digital régira notre quotidien.
Ainsi que théorisé par l’économiste Joseph Schumpeter, la destruction créatrice fera des perdants (à l’instar des fabricants de diligences ou de chandelles, des livreurs d’eau chaude ou de pains de glace). Il y aura aussi des gagnants. Ce seront ceux qui sauront transformer leurs « business models » en sachant discerner suffisamment en amont les bouleversements à venir. Il en va de l’économie, comme du vélo. Si l’on cesse d’avancer, la chute est certaine. Les vainqueurs, telles les GAFAM, se détachent nettement du peloton. Les investisseurs avisés sauront discerner les leaders de demain.
La digitalisation nous fera-t-elle vivre dans un monde de plus en plus déshumanisé ? A cette perspective angoissante, préférons la vision d’un monde différent. Un monde plus cloisonné, mais plus respectueux des ressources de la planète. Le centre-ville, les grandes cités, la concentration de larges foules en un lieu de consommation unique (mégas spectacles, hyper centres commerciaux) pouvant être remplacés par des « clusters » ou des communautés d’intérêts. Une agora moderne qui remettrait l’homme au centre de la place du village.
Marc SEVESTRE