En portant notre regard sur la fin du Moyen-Age, soit en l’an 1500 (quelques années après la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb en 1492), interrogeons-nous sur les conditions de vie de la population d’alors. Cela nous permettra de mesurer la grande chance que nous avons de vivre au XXIe siècle et d’apprécier ainsi tout le progrès accompli pour rendre notre existence tellement plus douce.
En un millénaire, depuis la chute de Rome (476), la vie à la campagne n’a que peu changé. En ce début de Renaissance, les conditions de vie d’un sujet de François 1er [1] sont toujours rudes. La comparaison avec la vie d’un Français du XXIe siècle montre le chemin parcouru, depuis cette époque pas si lointaine.
Regardons de plus près la vie au quotidien de la majorité de la population d’alors, c’est-à-dire des paysans. Le monde rural représente plus de 90% des dix-huit millions d’habitants que compte la France, le plus peuplé d’Europe.
L’habillement
Si l’on conserve l’image de l’opulence des tenues de cours de François 1er (comme représentées sur les illustrations du Camp du Drap d’Or – la rencontre en 1520 avec Henri VIII d’Angleterre), pour le tout-venant, il en va autrement. Les vêtements sont fabriqués sur place. Il s’agit de tuniques de laine grossière ou de chanvre avec un capuchon pour se protéger du soleil ou de la pluie. Les vêtements sont souvent portés à même le corps. Dans le meilleur des cas, ils sont lavés une fois par semaine, alors que tous s’épuisent à la tâche. Aux pieds, des sabots, mais il est fréquent de voir des « va-nu-pieds ».
L’alimentation
Le matin pour la préparation des repas, un grand chaudron est allumé sur le feu. On y ajoute chaque jour, aux restes de la veille, divers ingrédients en fonction de ce qui est disponible. Pour l’essentiel, des légumes, dont les raves, des navets, des choux, des carottes, des poireaux, des pois et des lentilles, peu de viande, un peu de lard.
Le régime de la bourgeoise et des seigneurs est nettement plus enviable : épices et viandes cuites à la broche pour les nantis, contre ragouts et pâtés pour le peuple. Plus la nourriture vient du haut (les oiseaux par exemple), plus elle est noble, plus elle est proche de la terre (les racines), plus elle est vulgaire et considérée comme destinée au peuple.
L’hygiène
En matière d’hygiène corporelle, si en ville on fréquente couramment les bains (étuves), qui représentent aussi un lieu de détente (et par la suite de plaisirs), la situation dans les campagnes est différente. Pour les habitants des campagnes, la toilette consiste souvent en un bain annuel dans lequel le maître de maison prend place en premier, puis les hommes de la famille, le tour des femmes vient ensuite avec les jeunes enfants qui ferment la marche, dans une eau fortement souillée.
Dans les villes, avec le « tout à la rue », les germes et les mauvaises odeurs se propagent dans les maisons. Les eaux souillées s’écoulent directement dans la rue, formant des mares nauséabondes. La corvée d’eau (au puits dans la cour pour les plus chanceux) reste contraignante. Paris, la plus grande ville occidentale, compte plus de 200 000 habitants. Le mélange des déjections animales et des rejets domestiques contribue à créer une odeur pestilentielle (en référence directe avec la peste noire qui au XIVème siècle avait décimé 40 % de la population du royaume et de l’Europe). Outre la peste, le choléra et la lèpre font de nombreuses victimes. Moins graves, la gale et la teigne, liées à un manque d’hygiène, sont monnaie courante.
L’hygiène dentaire est quasiment inexistante, seuls les riches utilisent des poudres à base de plantes. C’est avec de la coriandre ou des graines de cumin que les mauvaises odeurs sont combattues.
Pour la vue, quelques bésicles pallient la presbytie. Nous assistons au tout début des verres concaves pour traiter la myopie, mais ces coûteux et rares objets sont réservés aux plus riches. Toutefois la diffusion des livres, depuis l’invention de l’imprimerie par Joannes Gutenberg en 1454, accroît la demande de lunettes.
L’habitat
Dans les sombres masures, hommes et bêtes cohabitent dans un espace commun. Par conséquent le confort est très sommaire. Les murs sont en torchis au nord ou en pierre au sud. Le toit est en paille ou en chaume, sans charpente en bois. Ainsi de nombreux nuisibles y trouvent refuge. Le sol est en terre battue. L’hiver les animaux (vaches, cochons) apportent de la chaleur dans la pièce commune. Pas de vitre, mais des volets pour obstruer les quelques étroites ouvertures. Des chandelles ou des lampes à huile sont utilisées pour donner un peu de clarté. Une toile peut être tendue au-dessus du lit afin de se prémunir des déjections des nuisibles.
La médecine
La société est profondément pieuse, toute la vie est rythmée par les règles de l’Eglise. Ainsi la douleur est considérée comme envoyée à l’homme par Dieu pour racheter ses péchés. S’agissant d’une épreuve que le croyant doit accepter, la souffrance est grandement ignorée. Dissocier le corps de l’âme n’est pas possible. La maladie est souvent rattachée à un désordre moral.
En matière de soins, on trouve des médecins formés dans les universités florissantes depuis le douzième siècle. Après Salerne et Bologne en Italie, Montpellier ou Paris sont des universités réputées. Les nécessiteux trouvent refuge dans les hospices (Hôtel-Dieu avec des lits communs et toutes les maladies mélangées).
Il existe de nombreuses croyances et des remèdes dangereux. Peu de médicaments utiles en dehors de l’opium et de la quinine. La maladie est d’origine divine, elle est causée par un déséquilibre des humeurs. La santé est un juste rapport entre les quatre humeurs (sang, lymphe, bile jaune, bile noire). C’est pour cela que les saignées, clystères et ventouses sont d’un usage fréquent pour évacuer les mauvaises humeurs.
L’anatomie gagnera ses lettres de noblesse à la Renaissance, comme le montrent de nombreuses illustrations laissées par Léonard de Vinci.
Le niveau de vie
Il convient d’oublier nos références modernes à l’amélioration du niveau de vie, à la croissance du PIB. Jusqu’à la révolution industrielle, la croissance s’applique essentiellement à l’agriculture. Les bonnes années ne se traduisent pas par une amélioration du niveau de vie, mais par un accroissement de la population. La prochaine famine et les épidémies réguleront cette population au niveau soutenable par la production agricole courante. Avec 5 grains de blé récoltés pour 1 semé, contre 80 pour 1 de nos jours, les rendements sont faibles.
Le nombre élevé de grossesses et les périodes d’allaitement ont pour corollaire de réduire fortement la liberté et la sphère d’influence de la femme, réduite au rôle d’épouse, de mère en charge de l’entretien du foyer.
Avec une vie au quotidien aussi pénible, quelle était l’espérance de vie ?
L’espérance de vie
L’espérance de vie à la naissance est de moins de vingt ans, mais le très fort taux de mortalité infantile et le nombre élevé de femmes qui décèdent en couche impactent fortement cette moyenne. Ainsi presque un enfant sur deux disparaît avant ses cinq ans. Une femme sur trois décède pendant l’une de ses nombreuses grossesses. Les trois quarts de la population n’atteignent pas l’âge de 18 ans. Ceci explique donc qu’à trente ans vous êtes considéré comme âgé. A ce stade, il ne vous reste peu ou pas de dents, les arracheurs de dents vous ayant débarrassé – sans anesthésie ! – de vos dents cariées. Certes cela n’exclut pas le fait que l’on trouve de nombreuses personnes de quarante ans et plus. Cependant, plus l’on avance en âge, plus les maux sont nombreux, avec des remèdes rares.
François Ier (1494 – 1547) décède à 52 ans, Claude de France, sa première épouse avant ses vingt-cinq ans. De leurs sept enfants (les filles se mariaient en général vers douze ans et les garçons vers quatorze ans), deux seulement atteindront vingt-cinq ans.
En guise de conclusion, citons Bernard Werber, dans son dernier roman, La Boite de Pandore (Albin Michel, 2018) : « Je pense qu’il y avait peu de gens qui dans le passé avaient des vies de plaisirs réguliers. La plupart vivaient une vie de devoir, de travail, de maladie, de faim, terminée par une mort douloureuse ». Toujours citant Bernard Werber « la vie de nos ancêtres était si âpre » (op. cité p.93) nous renvoie à notre présent qui en comparaison apparaît comme bien doux au regard des conditions de vie de nos aïeux. Il nous appartient, au nom des futures générations, de préserver cette mémoire, afin que le progrès puisse continuer de bénéficier à l’homme en rendant ses conditions de vie sur terre toujours plus douce.
Marc Sevestre
Sources : Contrepoints, Wikipedia, France-Pittoresque, lewebpedagogique.com : maladies-moyen-âge, Cosmovisions.com, Passeportsanté, Zestedesavoir.com, Gralon, medecinemedievaleeurope.worldpress.com, tudorsociety.com, Vivre au Moyen-Age, Dictionnaire du Moyen-Age par C. Ariot et F. Séguin, Le Moyen-Age pour les Nuls par P. Langevin, medievalmrgula.net
[1] François 1ersuccède à Louis XII en 1515, dont le règne signe le début de l’ère de la renaissance, symbolisée par l’arrivée de Léonard de Vinci en France (2019) marque le cinq-centième anniversaire de sa mort.